Bernard Claoué 1921 - 1964


Bernard Claoué, naquit le 22/09/1921 au Bouscat (Gironde), et disparut en mer le 18/08/1964 dans le Golfe de Gascogne, lors d'une régate entre Santander en Espagne et La Trinité-sur-Mer. Il était le fils de Charles Claoué, chirurgien esthétique à Paris dans le 16ème arrondissement, et d'Isabelle Singrün, fille de l'industriel Albert Singrün d'Epinal. Il suivit le même parcours que son père, continuant l'activité de chirurgie esthétique. La spécialité de la clinique familiale était le nez, on parlait du "nez Claoué". Bernard Claoué épousa Madeleine Meunier et eut quatre enfants, un garçon et trois filles.
Il avait suivi ses études de médecine à Bordeaux, comme son père Charles et son grand-père Raymond.
Son décès fut une tragédie pour sa famille, qui était nombreuse : Madeleine son épouse et ses quatre enfants Emmanuel (17 ans), Béatrice (15 ans), Geneviève (13 ans) et Lorraine (6 ans).

Bernard Claoué pratiquait le ski, notamment à Zermatt en Suisse, à Chamonix où la famille eut un chalet pendant une période, puis à Courchevel 1650 (Moriond), et enfin à Courchevel 1850 à partir de 1963, après l'achat d'un appartement au Jardin Alpin.
Il montait à cheval tous les jours vers 6h30, au bois de Boulogne, avant de commencer sa journée de travail.
Il navigait souvent dans la baie de Quiberon, au départ de la Trinité-sur-Mer. Il avait en effet fait construire une maison de vacances à Carnac au début des années 1950, qui est d'ailleurs toujours utilisée par ses descendants.

Bernard Claoué après sa naissance en 1921, dans le jardin du Bouscat, avec sa mère Isabelle.
Bernard Claoué à 1 an, en 1922.


Bernard Claoué à 8 ans environ, en 1929.
Bernard Claoué à 11 ans environ, en 1932.


Bernard Claoué à 18 ans environ, en 1939.


Bernard Claoué à l'été 1946, à l'âge de 25 ans.
Bernard Claoué en décembre 1948, à l'âge de 27 ans.
Bernard Claoué à Paris en février 1950, avec son père Charles, à l'âge de 29 ans.


Bernard Claoué réalisant une opération de chirurgie esthétique, au 12 avenue Alphand, Paris 16ème, vers 1960.


Bernard Claoué montant à cheval au Bois de Boulogne


Bernard Claoué à ski dans les années 1950




Bernard Claoué à Moriond Courchevel 1650, devant l'hôtel Plein Soleil, décembre 1956




La disparition en mer de Bernard Claoué, le 18 août 1964




Santander-La Trinité avec Aloa
Témoignage de Paul Badelon, membre de l'équipage, le 17 mars 1999

Le 16 août 1964 à 12h00, Aloa coupe la ligne de départ. Bernard à la barre place notre sloop dans le peloton de tête. Le vent est SSW faible. Nous sommes six à bord : Bernard, Jean-Marie, Jacques, étudiant en médecine, Françoise et Paul. Un avis de coup de vent est annoncé sur le Golfe de Gascogne. Le vent tourne Sud. Nous faisons route directe sur la Trinité, sous Spinnaker, jusqu'à 13 heures le 17 août.
Le vent force, la mer se forme, nous sommes largues, babord arrière. Le vent est passé Ouest. A 18 heures nous avons 6 tours de rouleau, à 20 heures 9 tours et le tourmentin. La mer est forte. Le point calculé par Bernard nous place à 30' dans le SW du plateau de Rochebonne. Le vent s'établit autour de 40 noeuds.
A 21 heures, dans un grand coup de gîte Jean-Marie tombe à l'eau, tordant un chandelier avec sa ceinture.
Jacques affale la grand voile, Paul vient en renfort. Aloa à sec de toile, se met en travers et se comporte avec l'aisance d'un goëland.
Jean-Marie va se changer. Bernard, Jacques et Paul surveillent les mouvements du bateau puis descendent se reposer dans la cabine. La nuit se passe confortablement.
Dans la matinée du mardi 18 août, Bernard téléphone à Madeleine brièvement "Mauvais temps, sommes à la Cape, tout l'équipage va bien".
Vers 17 heures, Aloa chavire dans un grondement effroyable. Patrice tombe à la mer er remonte grâce à sa ceinture. Dans la cabine chacun disparaît sous l'eau.
Aloa se redresse à moitié plein d'eau, avec l'hiloire de roof tribord disparu, la batterie arrachée projetée dans le poste avant, moteur et radio hord d'usage, l'annexe envolée dans les barres de flèche, disparue en mer.
Chacun panse ses plaies. Paul vide le bateau avec le seau du bord, les pompes ne fonctionnent pas. Puis avec Jacques et Bernard l'hiloire du roof est remplacée tant bien que mal par le panneau de contreplaqué de la couchette tribord.
Vers 18h/19 heures, nouveau chavirage avec un déferlement d'eau irresistible. Bernard, Jacques et Patrice tombent à l'eau et sont remontés par leurs ceintures. Paul vide à nouveau le bateau avec le seau du bord en utilisant à la gîte, l'ouverture du roof !... Puis, Paul va chercher les sacs à voile dans le poste et propose de les placer en bouchon de l'extérieur vers l'intérieur pour obstruer la voie d'eau par laquelle la mer pénètre à chaque coup de gîte. Un foc est cloué par l'extérieur sur le roof pour recouvrir les sacs.
Nous sommes toujours à flot. La mer déferle de partout avec des creux de 6 à 8 mètres. Bernard décide de rentrer à la Rochelle en prenant la fuite.
Vers 20 heures, nouveau chavirage. L'eau rentre à flot par la descente dont la porte a disparu. Bernard tombe à l'eau par l'arrière. Jacques et Patrice lui envoient les bouées de sauvetage. La nuit tombe, la dérive est hallucinante. On ne voit plus Bernard. Le bateau est plein d'eau.
Minute de désarroi et d'angoisse... A la demande de Jacques, Paul donne son avis : "Nous ne pouvons rien faire pour Bernard en l'état, il faut vider le bateau, remonter les voiles et navigueur en négociant chaque lame sinon nous allons chavirer à nouveau et couler. En restant sur zone, nous pourrons retrouver Bernard avec le jour. Il a deux brassières de sauvetage et l'eau n'est pas froide". Chacun se déclare d'accord.
Paul prend le premier quart avec Patrice, babord amur. Huit heures de navigation contre la mer.
Mercredi 19 août vers 5 heures. Chalutier en vue. Jacques et Jean-Marie envoient des fusées de détresse, le bateau se déroute. Joie à bord. Nous allons pouvoir chercher Bernard.
10 heures. Le chalutier passe le relais à un avion spécialisé venu de Lorient.
22 heures. Arrivée en remorque au bassin de La Pallice. Les recherches n'ont pas permis de retrouver Bernard ni aucun indice du bateau (bouées, tangon, canot, débris du roof, etc.).
Marcel Legrain et Maurice Izard sont venus nous aider.
Jeudi 20 août. Enquêtes officielles et retour à Carnac et Saint-Brieuc Bernard sera toujours absent.
Paul Badelon.


Bernard Claoué sur son yacht l'Aloa, en 1964
Bernard Claoué sur Aloa, avec Jacques Duparc et Mona Badelon-Duparc, en 1964.
Dernière photo avant sa disparition.
Bernard Claoué sur son yacht l'Aloa en 1964,
avec les membres de l'équipage Jacques Duparc et Françoise Badelon


Dernière carte postale envoyée par Bernard Claoué à sa mère Isabelle, le 16/08/1964 depuis Santander en Espagne.


Article de l'AFP (Agence France Presse) du 21 août 1964
Course Santander - La Trinité-sur-Mer : à son arrivée au port de la Pallice, le yacht "Aloa" à bord duquel le Dr. Bernard Claoué a été emporté par une vague.



Article dans le journal L'Aurore du 20/08/1964


L'Aurore du 20/08/1964.
Sous les bourrasques et le ciel bouché, la France a dressé le bilan des victimes de la tempête
Averses, bourrasques, ciel bas et bouché, températures en baisse, hier encore, la météo est demeurée maussade, tandis qu'un peu partout en France les cultivateurs examinaient leurs récoltes après les orages de grêle et les crues subites, que les postiers réparaient les lignes téléphoniques arrachées, que les campeurs redressaient leurs tentes et que, dans les ports, les marins de profession ou d'occasion révisaient leurs chalutiers et leurs voiliers malmenés ou chavirés par la tempête. Au total, la tempête a fait 20 morts.
En même temps, une nouvelle liste de victimes et de dégâts s'ajoutait hier au premier bilan dressé la nuit précédente.
Tandis que la zone de temps perturbé s'éloigne vers l'Est, affectant aujourd'hui l'extrême Nord et le Nord-Est du pays, le temps brumeux, assez beau l'après-midi, qui s'établit aujourd'hui se voir menacé par une nouvelle aggravation avec des pluies et des vents, dès le début de l'après-midi, au voisinage de l'Atlantique et des Pyrénées.
La météo nous promet malgré tout un temps relativement ensoleillé pour la période qui suit (du 22 au 26), avec des températures qui redeviendront voisines des normales saisonnières.

Victimes de la mer
Deux jeunes gens passent 30 heures accrochés à leur bateau chaviré. Un troisième se noie.
D'Arras, A. Delattre nous téléphone :
A Dunkerque, un cargo, le "Président-Lefebvre", du port de Rouen, a recueilli deux jeunes gens, Pierre Pranzo, dix-sept ans, fils d'un médecin de Fécamp, et Jean-Bernard Bénard, dix-huit ans, étudiant, habitant aussi Fécamp, qui avaient passé trente heures accrochés à leur "Corsaire" chaviré dans la Manche.
Ces deux jeunes s'étaient embarqués à bord du bateau de plaisance du docteur Pranzo en compagnie d'un de leurs camarades prénommé François, habitant la même ville, afin de se rendre en Angleterre. Pour le retour, samedi, François céda sa place à l'un de ses amis, Régis Friboulet, âgé de dix-huit ans, fils du célèbre peinte normand Jep Friboulet, qui, arrivé sur un autre yacht avec d'autres amis, tenait à rentrer rapidement à Paris.
Le 16 août au matin, à 27 milles des côtes anglaises, Bénard, s'éclairant avec une lampe pour remettre de l'essence dans le réservoir, provoqua un incendie. Régis Friboulet, flambant comme une torche, et croyant se sauver, plongea dans la mer. L'on ne le revit plus.
Bientôt, le feu fit chavirer l'embarcation. Les deux jeunes gens, Bénard et Pranzo, se cramponnèrent à l'épave et attendirent...
Des bateaux passèrent au loin et n'aperçurent pas leurs signaux de détresse. Enfin, lundi, vers 7 heures, le second capitaine Ledeun, du cargo "Président-Lefebvre", les vit dans ses jumelles. Son bâtiment fonça dans leur direction et un canot fut mis à la mer, où sept hommes prirent place et recueillirent les malheureux, qui étaient restés ainsi plus de trente-deux heures cramponnés à l'épave. "Il était plus que temps, déclarèrent-ils, nous allions nous laisser couler. Nous étions à bout de forces."
Les deux rescapés, le visage ravagé par la peine et la fatique, ont été accueillis par leur famille, cependant qu'une enquête était ouverte sur cette pénible affaire par le Parquet et Dunkerque. L'épave doit être examinée par un expert.

Article dans le journal La Dépêche du Midi du 20/08/1964


La Dépêche du Midi du 20/08/1964.
Le docteur Claoué enlevé par une lame
La cinquième victime est le docteur Claoué de Paris, fils du célèbre chirurgien esthétique. Il a trouvé la mort à bord de son voilier, l'"Aloa", dans le golfe de Gascogne, à la hauteur du plateau de Rochebonne.
Pris par la tempête, le bateau du docteur Claoué fut balayé par les lames, dont l'une emporta le médecin qui ni ses trois coéquipiers sortis sains et saufs de l'aventure, ni l'équipage d'un chalutier rochelais, le "Giralda", n'ont pu secourir.
Le "Giralda", dont l'équipage a assisté à la tragédie, a pris l'"Aloa" en remorque, et il était attendu dans le courant de la nuit à La Rochelle.

Article dans le journal L'Aurore du 21/08/1964




L'Aurore du 21/08/1964.
La tempête a fait trente morts en trois jours
"Nous avons tous cru notre dernière heure venue" raconte l'un des rescapés du yacht "Aloa" qui participait à la course Santander-La Trinité
Trente morts en trois jours. C'est le terrible bialn de la tempête qui s'est abbatue sur nos côtes, rendant dramatique la course de voiliers Santander-La Trinité. Cinq des participants à cette croisière, dont le Dr Bernard Claoué, 40 ans, célèbre chirurgien-esthéticien de Paris, ont été emportés par des lames.
Les quatre autres yacht-men, le docteur Jean Bouic, 45 ans, d'Argenteuil, ancien président du Cercle breton de Paris, Pierre Fleury, 25 ans, mécanographe à Nantes, Gilles Talon, 23 ans, qui venait de sortir premier de l'Ecole navale, et André Guyon, 45 ans, géomètre à Challans (Vendée), se trouvaient à bord de la "Marie-Galante".
De cet équipage il ne reste que deux rescapés, épuisés par une nuit d'enfer, Maurice Poujard, 26 ans, et le frère de Gilles Talon, Joël, qui se sont échoués hier matin à Saint-Georges-de-Didonne, près de Royan.
In extremis
Après douze heures passées sur le pont du second voilier désemparé, l'"Aloa", qui appartenait au Dr Bernard Claoué, cinq autres personnes, les compagnons du docteur Claoué, ont enfin regagné hier matin le port de La Pallice.
Quelques instants après avoir vu disparaître le propriétaire du yacht balayé par une énorme vague, alors qu'ils allaient eux-mêmes céder à l'épuisement et lâcher prise à leur tour, le secours était arrivé.
Un chalutier rochelais, le "Giralda", venait d'apercevoir leurx feux.
- Le yacht ballotait sur l'océan, il n'avait plus qu'une voile, nous a raconté M. Carval, le patron du chalutier. Mes douze hommes durent hisser "au vol" les cinq naufragés qui n'étaient plus capables de nous aider à les sauver. La mer avait des creux de 5 mètres.
Le frère du Dr Claoué, Jean-Marie, directeur de banque, M. et Mme Paul Badelon et M. Jacques Duparc et un étudiant de 20 ans, Patrice Bourrée, blessé au bras, furent étendus sur les couchettes des matelots du "Giralda".
A demi noyés
- C'était horrible, raconta alors l'étudiant aux marins. Nous avons tous cru notre dernière heure venue. L'eau nous montait jusqu'à la ceinture et nous n'arrivions plus à écoper, assomés par les paquets de mer et à demi noyés.
Le "Giralda" est quand même parvenu à passer une amarre au yacht sinistré et à le ramener jusqu'à La Pallice.
Hier après-midi, les survivants du "Aloa" ont officiellement relaté les circonstances de l'effroyable tragédie à M. Gaston Blanche, administrateur en chef de l'Inscription maritime à La Rochelle.
La nuit dans un monastère
Contrairement aux informations publiées l'autre nuit sur le drame de la mer survenu au cap Corse, MM. de Surmont et de Frise n'ont pas trouvé la mort dans la tempête. Ils ont été sauvés in extremis par des pêcheurs qui les ont ramenés à Pino (cap Corse) où ils ont passé la nuit dans un monastère. Le corps de la troisième occupante de la vedette, Mlle Lise Maljean, demeurant à Sainte-Anne-d'Evenos, près de Toulon, a été rejeté hier matin par la mer sur la petite plage de l'Aviso, près de Pino.
Jean et Jacques Yvetot, 30 et 26 ans, deux frères habitant Cherbourg, partis à bord de leur voilier et dont on était sans nouvelles depuis lundi dernier ont été retrouvés sains et saufs dans des circonstances que l'on ne connaît pas encore. Ils ont pu rallier le petit port de Worthing (Angleterre) d'où ils ont adressé un message à leurs parents hier matin.
Trente voiliers seulement pourront être classés.
A La Trinité, où l'on a attendu dans l'angoisse l'arrivée de la course de voiliers, trente bateaux seulement sont arrivés dans les délais, sur les quarte-six partants. Ils seront seuls classés. On attend encore le "Philcris" (France), à M. J. Sarrasin, dont on a reçu des nouvelles rassurantes.
En comptant le "Philcris", dix navires français, dont le malheureux "Aloa" ne seront donc pas classés. Les Anglais n'ont que deux navires hors classement et l'Espagne un seul. Trois autres navires, dont on ignore encore le pavillon, ont annoncé leur abandon.

Les traités tirés, un bras en écharpe, Patrice Bourrée, rescapé de l'Aloa où le docteur Claoué trouva la mort, raconte au président du Yacht-Club rochelais (à droite), M. Roussel, sa dramatique nuit dans la tempête.

La femme du docteur Claoué (le médecin esthétique des vedettes) a survolé l'endroit où son mari a été emporté par une lame. De son avion, elle a jeté un bouquet de fleurs dans l'océan.
Parmi les victimes de cette tempête qui a gâché la fin des vacances, l'un des plus grands chirurgiens esthétiques de France : le Dr Bernard Claoué. Il participait à bord de son yacht "l'Aloa" à la course Santander-La Trinité. Enlevé oar une lame de fond, il est sans doute mort noyé. Son corps n'a pas encore été retrouvé malgré les recherches entreprises. "L'Aloa" a pu regagner La Trinité à vitesse réduite.
Le docteur Claoué, âgé de 44 ans, portait un nom célèbre dans le monde entier. On venait le consulter de New York et de Rome. Il opérait dans sa clinique privée, située 12, avenue Alphand (16e). Avoir un "nez Claoué" était un signe extérieur de bon goût mais aussi de richesse. On l'appelait "le chirurgien des vedettes".
Le troisième Claoué
Pourtant il y aura peut-être un jour un autre docteur Claoué. Aujourd'hui son fils unique, Emmanuel, dix-huit ans, pleure à la fois un père et un professeur. Lorsqu'il a appris la tragédie à la Trinité où il attendait "l'Aloa", Emmanuel a fait un serment. Il s'est juré de devenir, un jour, le troisième docteur Claoué. Pour l'instant il est inscrit à la Faculté de Médecine de Paris, mais dans quelques années la célèbre clinique de l'avenue Alphand aura peut-être retrouvé "son patron".
C'est une étrange malédiction qui semble peser sur cette famille.
Le 23 janvier 1957 le docteur Charles Claoué, père de Bernard, entrait en collision au volant de sa DS avec la voiture d'un médecin américain porte Maillot. Grièvement blessé à la tête il devait décéder un mois plus tard à Neuilly. Avec lui disparaissait l'une des figures les plus originales de la médecine d'après-guerre. Bien des nez célèbres étaient passés entre ses mains. C'est lui qui, le premier, avait énoncé cette théorie qu'il est possible de supprimer les complexes d'infériorité dont souffrent certaines personnes en corrigeant les défauts de leur visage. Beaucoup de jeunes médecins furent aussitôt conquis à ses idées. On sait depuis l'importance qu'a prise la chirurgie esthétique.
Un deuxième membre du "clan Claoué" devait, lui aussi, connaître une mort tragique le 2 mars dernier. Guy Guignes, trente-deux ans, secrétaire particulier et homme de confiance de Bernard Claoué, se rendait en vacances en Italie. Son avion - un Viscount - s'écrasa près de Naples. Il n'y eut aucun survivant.
Aussi stupidement
A l'époque, Bernard Claoué nous avait dit toute sa douleur après la disparition de celui qui était pour lui beaucoup plus qu'un secrétaire.
"Guy était un grand ami de la famille, nous avait-il confié. Il est mort aussi tragiquement que mon père, aussi stupidement..."
Le grand chirurgien ignorait que lui-même, six mois plus tard, connaîtrait une fin semblable.
Hier, sa femme Madeleine a survolé l'endroit où une lame de fond a emporté le capitaine de "l'Aloa". Tant que la mer n'aura pas rejeté le corps de son mari, elle conservera un faible espoir. Bernard Claoué avait un gilet de sauvetage. Un miracle peut s'être produit...
Pourtant, Madeleine Claoué a jeté un bouquet de fleurs sur l'océan !.
Pierre Lavigne.

Article dans le journal La Dépêche du Midi du 21/08/1964


La Dépêche du Midi du 21/08/1964.
Après une nuit de péril, les cinq rescapés de "l'Aloa", le yacht de la course Santander-La Trinité, sont arrivés sains et saufs à La Pallice.
La Rochelle. Les traits tirés, mais calmes dans leur malheur, les cinq rescapés de l'"Aloa", le yacht de la course Santander-Trinité, désemparés après la perte d'un homme, sont arrivés la nuit dernière, à La Pallice, à bord du chalutier "Giraida". Des amis rochelais les attendaient à quai et sans un mot, le visage grave, ils sont montés à bord de voitures particulières qui les ont conduits aussitôt à La Rochelle. Les heures qu'ils venaient de vivre avaient été particulièrement pénibles et ils avaient hâte de se reposer.
Quelques instants plus tard, une vedette du port prenait l'"Aloa" en remorque pour le conduire au bassin de La Rochelle, tandis que le "Giralda" allait accoster devant la halle à marée pour décharger sa pêche. Pour le chalutier, le travail habituel reprenait.

Signal de détresse
C'est par hasard que nous avons pu secourir le yacht, a déclaré, à son bord, M. Joseph Carval, le patron du chalutier. Mercredi matin, à 6 heures, nous rentrions vers La Rochelle, après quatorze jours de pêche au large des côtes de Cornouailles et nous nous trouvions à dix milles dans l'ouest du plateau de Rochebonne.
La mer était encore mauvaise et un vent de force quatre soufflait toujours. Je dormais dans ma cabine lorsque les hommes de quart vinrent me réveiller. Ils venaient d'apercevoir deux fusées rouges. Aussitôt, nous changions de cap pour nous diriger vers le signal de détresse et bientôt nous approchions de l'"Aloa". A première vue, le yacht semblait tenir la mer, mais nous ne connaissions encore rien des difficultés qu'il avait endurées.
En effet, depuis mardi soir, l'équipage du yacht, cinq hommes et une femme, avait vécu dans l'angoisse et le propriétaire, le docteur Bernard Claoué, 40 ans, avait disparu. Dans la tempête qui agitait l'Océan, les hommes avaient dû amener de la toile et se contenter de tenir le cap pour éviter de chavirer. Mais au cours des manoeuvres, alors que M. Bernard Claoué se trouvait sur le pont, une énorme vague s'abattit sur le bateau qui,
malgré ses douze mètres, n'en était pas moins un jouet dérisoire au milieu des éléments déchaînés.
M. Claoué ne put résister au déferlement de l'eau et son corps fut entraîné à la mer, devant ses amis impuissants. Il était impossible pour les rescapés, de virer de bord et d'entreprendre des recherches. Ils le tentèrent néanmoins, mais en vain.
Par contre, d'autres paquets de mer s'abattirent à nouveau avec force sur l'"Aloa" et la partie de plexiglas du rouf céda à chaque vague, le yacht embarquait et les cinq occupants avaient de l'eau jusqu'à la ceinture.
Durant toute la nuit, ils durent travailler sans relâche avec des seaux pour maintenir leur bateau à flot.
C'est dans ces conditions que les cinq rescapés, le frère du disparu, M. Jean-Marie Claoué, directeur de banque, un chirurgien parisien, un professeur de médecine et sa femme, et enfin un étudiant de 20 ans, Patrice Pourée, résistèrent à la tempête en espérant rencontrer du secours. Lorsqu'ils aperçurent enfin le "Giralda", ils avaient bien cru leur dernière heure arrivée. L'unique femme de l'équipage s'était déjà juré de ne plus participer à des courses-croisières.

Périlleux sauvetage
Mais la présence d'un sauveteur n'était pas encore le salut et il fallut un périlleux va-et-vient sur le canot du chalutier; la femme et les quatre hommes furent litéralement saisis un à un au vol par les marins-pêcheurs lorsque le petit canot montait sur une vague. Enfin, tous purent être à bord et tandis que deux jeunes marins du "Giralda" se portaient à bord du yacht, le chalutier essayait de trouver le corps de M. Claoué, mais il dut bientôt abandonner ses recherches sans espoir.
M. Carval, le patron du chalutier, un marin chevronné âgé de 37 ans et qui, à 14 ans, sauta sur une mine mais eut la chance de s'en tirer, reprit le chemin de La Rochelle avec ses douze hommes. Il avait fait tout ce qu'il avait pu, mais le corps de M. Bernard Claoué demeurait prisonnier de l'Océan.

Article dans le journal France Soir du 21/08/1964




France Soir du 21/08/1964.
Mauvais temps : 30 morts en 3 jurs en France
Série de drames dans l'Atlantique de la Bretagne à l'Espagne
Course Santander-La Trinité : 38 bateaux à l'arrivée sur 46 partants
Naufrages ou difficultés pour des bateaux de pêche et de plaisance

Un seul bateau engagé dans la course Santander-La Trinité reste encore en mer, le "Phil Cris" qui avait indiqué par radio qu'il faisait voile vers le port français.
Là, l'angoisse fut à son comble pendant toute la journée d'hier. On s'inquiétait de la situation de plusieurs voiliers participant à la course. Mais peu à peu parvinrent les nouvelles de "l'Esquirol II", "La Corina", "L'Aquilon", "Le Margilic", "Le Tosa". Tous ces bateaux arrivèrent remorqués ou sérieusement endommagés.
Cependant, en évoquant les péripéties dramatiques de la traversée, on a fêté discrètement les vainqueurs, l'équipage français du "Varna II", premier toutes catégories.
Yachts en détresse
De nombreux bateaux de plaisance ont souffert de la tempête. Ainsi le "Maréchal-Lyautey" de Concarneau (Finistère) s'est échoué près de Saint-Jean-de-Monts (Vendée) et le "Caprice", yacht vendéen, a sombré au large de l'île d'Oléron; son passager a pu être sauvé.
Capitaine disparu
Recherches aux environs de Paimpol, à l'aide d'un hélicoptère, pour retrouver M. Henri Libou, capitaine de la marine marchande en retraite disparu hier soir alors qu'il revenait de l'île de Saing-Riom à bord de son canot.
Partie de pêche dramatique
Malgré le mauvais temps, trois personnes pêchaient à bord d'un canot à une vingtaine de mètres du rivage, à Crozon (Finistère). Un coup de vent fit chavirer l'embarcation. Deux noyés : M. Laurent Coïc et M. Joseph Tretout. Un rescapé : M. Robert Carnon.
Les passagers du "Jag" sains et saufs
Un petit voilier, "Le Jag", qui avait quitté lundi Cherbourg et dont on était sans nouvelles, a pu rallier le petit port de Worthing (Angleterre).
Les deux instituteurs qui étaient à son bord, Jean et Jacques Yvetot, ont adressé, jeudi matin, un message à leurs parents : "Nous sommes sains et saufs à Worthing. Tout le monde a été magnifique."
Les deux jeunes gens, arrivés épuisés, ont été réconfortés au poste de police de Worthing, tandis que leur voilier, endommagé par la tempête, était remorqué jusqu'à Shoreham, où il fut chargé sur un cargo qui le ramènera à Cherbourg.
La course-croisière Santander-La Trinité a tourné à la tragédie. Sur les 46 bateaux qui avaient pris le départ malgré les prévisions météorologiques pessimistes, 38 seuelement sont arrivés à La Trinité, et souvent après les pires difficultés.
On compte 5 morts : 4 dans le naufrage du "Marie-Galante", à l'entrée de la Gironde, et un autre sur "l'Aloa", le docteur Claoué, emporté par une lame. Un bateau s'est écrasé sur des rochers; plusieurs autres, plus ou moins endommagés, ont dû se réfugier à La Rochelle ou aux Sables-d'Olonne.
Un peu partout, la tempête a provoqué de nouveaux drames. On signale encore des noyades, malgré le mauvais temps qui incitait les estivants à la prudence. En mer, de nombreux bateaux se sont trouvés en difficulté. Deux pêcheurs et un capitaine de la marine marchande ont péri devant les côtes de Bretagne. On est sans nouvelles d'un voilier parti lundi de Cherbourg avec deux occupants.
Orages et vent ont provoqué, depuis trois jours, plus de 30 morts en France.
Dans les Alpes, d'abondantes chutes de neige se sont produites en altitude. La saison des grandes courses en Oisans semble terminée.
"Toute la nuit, accrochés au canot, nous avons lutté contre d'énormes vagues"
racontent les deux rescapés de la "Marie-Galante"
La mer déchaînée emporta leurs quatre compagnons
(de notre envoyé spécial permanent Didier Leroux)
Royan, 20 août (par téléphone)
"Toutes les trois minutes une vague déferlait et nous submergeait. C'était comme si, à chaque fois, nous plongions dans l'eau. Il nous laissait une minute pour retrouver notre souffre et alors une autre vague arrivait."
Hébété, le regard perdu, les yeux rouges, comprenant à peine les questions qu'on lui posait, Maurice Poujard laissait parler son camarade Joël Talon. Ils venaient d'échouer à Saint-Georges-de-Didonne, près de Royan, au petit matin, après douze heures passées sur l'océan déchaîné.
Ils étaient les seuls rescapés du naufrage du voilier "Marie-Galante II", voilier de 9,20m engagé dans la course Santander-La Trinité-sur-Mer. Les autres membres de l'équipage étaient le docteur Jean Bouic, 45 ans, d'Argenteuil, ancien président du Cercle des Bretons, de Pierre Fleury, 25 ans, mécanographe à Nantes, le frère aîné de Joël, Gilles (23 ans) venait de sortir premier de l'Ecole navale, et André Guyon, 45 ans, géomètre à Cha. (Vendée).
Il coule avec son bateau
Hier matin, a raconté Joël Talon, nous avions pris la météo : elle était mauvaise. Nous avons alors décidé de nous réfugier dans la Gironde. Tout s'est bien passé jusqu'à 19h malgré un vent de 35 à 40 noeuds. Et puis, alors que nous étions à 5 milles du phare de Cordouan, nous avons été pris dans un grain de noroît avec des rafales de 50 noeuds. On ne voyait plus rien autour du bateau.
Les lames déferlantes balayaient le pont. Nous étions tous amarrés avec des ceintures de sécurité, mais une vague a tout arraché. Le bateau a chaviré : seul, le propriétaire, André Guyon, était resté à bord. On lui a crié : "Viens ! Saute ! Mais Guyon, attaché au grand mât, semblait inconscient : il a coulé avec le bateau.
"Nous nous sommes retrouvés à cinq accrochés autour d'un canot pneumatique.
Presque immédiatement le frère de Joël Talon, Gilles, coula à son tour : il avait été blessé au pied et à la main; il perdait beaucoup de sang."
Sous des trombes d'eau
- Il n'a pas pu tenir, poursuit son frère. Nous avons un peu dégonflé le canot pour lui donner moins de prise aux vagues. Nous n'avons même pas essayé de monter à bord, nous aurions été balayés. Très vite Pierre Fleury a perdu conscience : il avait la respiration coupée. Il était noyé sous les trombes d'eau. Nous avons essayé de le maintenir à la surface mais une vague nous l'a arraché".
Une demi-heure après le naufrage de la "Marie-Galante II", les deux jeunes gens se retrouvaient seuls accrochés au radeau. Le docteur Bouic avait, lui aussi, lâché prise. Blessés tous les deux - Maurice Poujard, clavicule brisée, et Joël Talon, une plaie profonde à la nuque - les jeunes gens s'entourèrent la taille avec les guirlandes du radeau afin de se maintenir à la surface et pendant toute la nuit luttèrent contre les vagues.
Poussés vers le large
Nous comptions sur le courant qui devait nous entraîner sur l'estuaire de la Gironde, mais à un moment donné, nous nous sommes rendus compte que nous nous éloignions de la côte. La marée descendante nous poussait vers le large; nous allions nous retrouver sur les lieux du naufrage et alors ce serait fini aussi pour nous. Avec les mains et les pieds, nous avons tenté de ramer, nous avons lutté contre la marée. Nous aviosn oublié nos blessures et notre fatigue".
A 7 heures, ils avaient gagné. EPuisés, sans ressort, ils échouaient sur la plage de Saing-Georges-de-Didonne, après avoir parcouru environ 5 milles marin (9 km) depuis le naufrage.
Son récit terminé, Joël Talon s'est effondré. Brusquement, ses nerfs l'avaient lâché et, lui aussi, comme son camarade, n'entendait plus, ne voyait plus que les vagues qui les submergeaient.

Le docteur Claoué portait un gilet de sauvetage lorsqu'il a été emporté par une lame
Ses compagnons, aidés par un avion et un chalutier, n'ont pu retrouver son corps
La Rochelle, 20 août (dépêche "France-Soir")
Sur l'océan en furie, à quelques miles au nord de la Gironde, un autre drame se déroulait à bord de "l'Aloa" qui participait lui aussi, à la course Santander-La Trinité.
Depuis mardi après-midi, l'équipe du yacht, cinq hommes et une femme, tentaient de tenir le cape pour éviter de chavirer. Soudain, à 13 heures, au large de Rochebrune, une lame emportait le propriétaire du voilier, le docteur Bernard Claoué, de Paris.
Toute la nuit, dans l'ouragan, ses compagnons louvoyèrent sur la mer pour tenter de retrouver le médecin qui portait son gilet de sauvetage.
"Deux fusées rouges" A l'aube, un chalutier rochelais, le "Giralda", devait les rejoindre.
- Patron, venez vite, nous venons d'apercevoir deux fusées rouges, il y a un bateau en détresse.
- C'est vers 6 heures, hier matin, devait raconter M. Joseph Carval, 37 ans, le patron du chalutier, que mes hommes de quart vinrent me réveiller dans ma couchette pour m'alerter.
"Nous avons aperçu un yacht de 12 mètres de long ; il n'avait plus qu'une voile. Le rouf était sérieusement endommagé. Nous avons voulu aussitôt hisser les rescapés à bord de notre chalutier. L'opération était difficile : la mer avait des creux de cinq mètres et il a fallut un périlleux ca-et-vient sur le canot du chalutier. Nous avons dû saisir littéralement la femme et les quatre hommes un à un au vol, au moment où la petite embarcation montait sur la vague."
Recherches vaines
Enfin, tous purent être pris à bord et tandis que deux jeunes marins du "Giralda" se portaient à bord du yacht, le chalutier essayait de trouver le corps du docteur Claoué. La base de Lann-Bihouée avait été alertée par radio. Un avion spécialement équipé pour le repérage des naufrages partit aussitôt. Hélas ! les recherches furent vaines.
Le "Giralda" devait remorquer à La ROchelle "l'Aloa" et ses cinq rescapés. Le yacht est entré dans le port peu après 23 heures.
Les cinq rescapés, le frère de la victime, M. Jean-Marie Claoué, directeur de banque, un chirurgien parisien, un professeur en médecine et sa femme, et un étudiant de 20 ans, Patrice Bourée, déclarèrent, les larmes aux yeux, comment leur compagnon avait été emporté la veille et ajoutèrent :
- Nous avons bien cru notre dernière heure arrivée. Nous avons connu un calvaire, l'eau nous arrivait à la ceinture. Pour étaler nous fûmes obligé de nous servir de seaux.

Bastia, 20 août (dépêche "France-Soir")
La panique avait gagné les trois occupants de la petite vedette qui, partie hier matin de Toulon, était tombée en panne de moteur hier soir en face de Pino, à l'extrémité du cap Corse.
Du rivage, des pêcheurs virent soudain les deux hommes et la femme se jeter à l'eau, munis d'une bouée de sauvetage. Des barques furent aussitôt mises à l'eau pour les secourir. M. de Surmont, directeur de société à Neuilly-sur-Seine, légèrement blessé par les rochers, et M. de Frise constructeur de bateaux à Toulon, blessé plus grièvement, purent être repêchés. Mais Mme Elise Maljean, 35 ans, qui avait lâché la bouée, coula à pic.


Article du journal La Presse de la Manche du 21 août 1964

21 août 1964


Enlevé par une lame à bord de l'"Aloa"
Le Docteur Bernard Claoué était un fidèle habitué de notre port
C'est avec émotion que les milieux cherbourgeois de la plaisance ont appris hier, la tragique disparition du Dr Bernard Claoué qui disputait à bord de son maïca l'"Aloa", la course-croisière Santender-La Trinité-sur-Mer et qui a été enlevé par une lame dans le Golfe de Gascogne dans les parages du plateau Rochebonne.
Sur une mer terriblement démontée, les 3 coéquipiers du Dr Claoué eurent la chance d'être recueillis par un chalutier rochelais "Le Giralda" qui ainsi que nous le disons par ailleurs prit l'"Aloa" en remorque après avoir vainement fouillé la surface des eaux pour retrouver le corps du malheureux disparu.
Le Dr Bernard Claoué, âgé de 40 ans, fils du célèbre chirurgien-esthétique dont il avait pris la succession à la tête de sa clinique parisienne, était un fidèle habitué de notre station de yachting où il comptait de nombreux amis.
C'est d'ailleurs au Chantiers Amiot qu'il avait confié la construction de l'"Aloa", un maïca de 33 pieds, qui fut mis à l'eau en mai 1963.
Quelques jours plus tard, le nouevau yacht ralliait La Trinité, son nouveau port d'attache. Mais à la fin de la saison, le Dr Claoué ramena l'"Aloa" à Cherbourg, où il hiverna sous l'un des hangars de C. M. N.
Au mois de juin dernier, le maïca fut à nouevau armé, et son propriétaire profita fréquemment des week-ends pour effectuer quelques sorties en mer et préparer les différentes croisières auxquelles le docteur participait chaque saison.
Il y a trois semaines encore, l'"Aloa" était mouillé dans le bassin du Yacht-Club. C'ets de là qu'il venait prendre la mer pour gagner le départ de la course "Yarmouth-Santander" qui précéda pour le médecin et son équipage, la croisière qui devait ramener le maïca à son port d'attache et au cours de laquelle le Dr Bernard Claoué devait disparaître tragiquement.
Les trois yachts manquants de la course-croisière Santander-La Trinité ont gagné un abri.


Article du journal L'Intransigeant du 21 août 1964



La course tragique des voiliers
La tempête surprend les 49 bateaux de la croisière Santander-La Trinité : cinq morts.
Le docteur Claoué périt en mer
Une lame énorme enlève sur le pont de "l'Aloa" le célèbre chirurgien esthétique : il ne s'était pas attaché
La Rochelle, 20 août.
Il a un bras en écharpe. Son visage est encore creusé par la fatique. De temps à autre, il se passe la main sur les yeux. C'est Patrice Bourée, un des survivants de "l'Aloa".
Il participait à la course tragique Santander-La Trinité. Elle a fait cinq morts : quatre des occupants de la "Marie-Galante" et le Dr Claoué, le capitaine de "l'Aloa".
Coup de vent
Patrice l'a vu enlevé par une lame. Le chirurgien a disparu sous ses yeux. C'est lui qui aujourd'hui nous raconte le drame :
"Le capitaine l'avait bien dit : nous allions avoir une "force 10". Il ne s'était pas trompé. La météo non plus : elle annonçait un gros coup de vent dans le golfe de Gascogne."
Coup de tabac Patrice Bourée a 21 ans. Il est étudiant en médecine. Depuis sept ans, il suit les cours de l'école de navigation des Glénans. Il a participé à de nombreuses croisières. C'est un yachtman expérimenté.
- Jamais encore, dit-il, je n'ai vu un pareil coup de tabac.
Ils étaient partis six à bord de "l'Aloa", un voilier de douze mètres. Le Dr Claoué emmenait avec lui son frère Jean-Marie, directeur de banque, un chirurgien parisien, un professeur de la faculté de médecine et sa femme ; enfin Patrice Bourée.
A la barre
La tempête les prit au large de Rochebrune.
- C'est moi qui étais à la barre quand le grain est arrivé, poursuit Patrice.
" Terrible, un grain comme celui-là ! Oui... Effroyable ! Le capitaine était à l'arrière, assis, coincé dans le balcon, avec les mains et les pieds... Lui, qui s'amarre toujours avec sa ceinture de sa sécurité, il ne l'avait par fait... Peut-être parce qu'il n'était pas là que pour quelques instants.
" Il aurait dû être amarré. C'est la règle. Je ne comprends pas pourquoi il ne l'était pas.
Lames déferlantes
Et puis les lames déferlantes nous sont tombées dessus ! A deux reprises, je suis tombé à l'eau, mais j'étais attaché er j'ai pu remonter à bord. La troisième lame fut d'une violence inouïe. J'étais sonné et je me suis retrouvé à cheval sur la bôme. J'ai tout de suite regardé le pont. Le capitaine ne s'y trouvait plus. J'ai alors regardé en arrière...

Le docteur Claoué périt en mer
"Je l'ai vu qui nageait. Il était à peu près à 50 mètres de nous.
"La nuit commençait à tomber. On a tout de suite hissé la voile pour essayer de manoeuvrer et de se rapprocher de lui. Mais tout était contre nous. Au bout d'un quart d'heure environ, on a perdu de vue le docteur. On s'est mis à la cape, pour dériver sans avancer. On espérait, au jour, reprendre la route dans l'autre sens, pour le retrouver...
" A l'aube, nous avons lancé des fusées pour alerter un chalutier et prévenir les services de sécurité. Nous étions tellement épuisés que ne nous sentions plus la force d'entreprendre quoi que ce soit nous-mêmes..."
Un hydravion
C'est dans la matinée d'hier que le chalutier "Giralda" devait retrouver "l'Aloa" désemparé, vitres brisées, roof défoncé et le prendre en remorque.
La base de Lann-Bihouée fut aussitôt alertée par radio. Un hydravion et deux bateaux de sauvetage se mirent à la recherche du Dr Claoué. Sans succès.
Un peu avant minuit, le "Giralda", remorquant "l'Aloa" débarquait à La Pallice les cinq survivants. C'est là qu'ils allaient apprendre l'autre drame : le naufrage de la "Marie-Galante" et la mort de quatre de ses occupants, M. Guyon le Dr Bouic, Pierre Fleury et Gilles Talon.
Les causes de cette tragédie ? "Une série de malchances, nous a expliqué un concurrent. Ce n'était pas une tempête exceptionnelle, mais le vent prenait les bateaux par l'arrière et, dans ces conditions, le gouvernail manque d'efficacité.
"Il y avait des creux de six à sept mètres, mais surtout des lames déferlantes. Ce sont des vagues d'une force terrible, capables de rompre les cordages avec lesquels nous sommes attachés."

Article du journal Ouest France du 21 août 1964


Les cinq rescapés de l'Aloa ont débarqué à La Pallice
La Rochelle.-Le chalutier rochelais Giralda a regagné dans la nuit de mercredi à jeudi, le port de La Pallice où il a débarqué les cinq rescapés du yacht Aloa qu'il avait recueillis en pleine tourmente à dix milles dans l'Ouest du plateau de Rochebonne, après la tragique disparition du docteur Bernard Claoué, 40 ans, fils du célèbre chirurgien esthétique de Paris.
Les naufragés, parmi lesquels figure une jeune femme, avaient les traits tirés. Ils montèrent aussitôt dans des voitures particulières sans faire la moindre déclaration à la Presse.
Une fois les opérations d'accostage terminées, le patron du Giralda, M. Joseph Carval, 37 ans, originaire d'Audierne, a bien voulu nous faire le récit pathétique de la nuit d'épouvante.
"Nous avons quitté notre port d'attache voici 14 jours pour aller pêcher sur les côtes de Cornouailles, nous a-t-il dit. Malgré le mauvais temps, nous avions remonté douze tonnes de poissons dans nos filets. Nous faision route vers La Rochelle.
Le matin, vers 6h, alors que nous croisions dans la tempête dans l'Ouest du plateau de Rochebonne, les hommes de quart vinrent me réveiller dans ma couchette :
-"Patron, lancèrent-ils, venez vite. Nous avons aperçu deux fusées rouges. Il y a un bateau en détresse."
M. Carval et les douze hommes d'équipage se précipitèrent tous sur le pont balayé par d'énormes paquets de mer.
Ils virent à l'horizon un yacht de douze mètres de long ballotté sur l'océan. Il n'avait plus qu'une voile. Le rouf était sérieusement endommagé. Les navigateurs s'étaient mis à la cape pour éviter le naufrage.
Au péril de leur vie, les marins du Giralda hissèrent les rescapés au vol à bord de leur bateau.
Les opérations furent rendues d'autant plus difficiles que la mer avait des creux de cinq mètres.
En la circonstance, M. Carval et ses camarades furent tous admirables.
Très abattus, mes naufragés racontèrent à leurs sauveteurs que le propriétaire de l'Aloa, le docteur Bernard Claoué avait été emporté la veille au soir par une lame au moment où il effectuait une manoeuvre.
"Ce fut épouvantable, déclarèrent-ils, les larmes aux yeux à M. Carval. Nous avons bien cru que notre dernière heure était arrivée. Nous avons connu un véritable calvaire car l'eau nous arrivait à la ceinture. Pour pouvoir établer nous étions obligés d'utiliser sans cesse des seaux".
Le Giralda réussit cependant à passer une amarre au yacht sinistré et à le remorquer jusqu'au port de La Pallice.
Les cinq survivants qui participaient à la course-croisière Santander-La Trinité sont : le frère de la victime, M. Jean-Marie Claoué, directeur de banque ; M. et Mme Paul Badelon ; le docteur Jacques Duparc et un étudiant de 20 ans, Patrick Bourée, tous de Paris.
Le chalutier sauveteur a eu ses rembardes arrachées par la tempête.
Les autres voiliers participant à la course Santander-La Trinité sont arrivés à bon port
Les Sables-d'Olonne. - A peine connu mercredi le naufrage de la Marie-Galante, on s'était inquiété su sort de trois autres bateaux participant à la cours Santander-La Trinité-sur-Mer.
Parmi eux, était cité l'Aquilon, mais ce voilier s'était réfugié aux Sables et est reparti hier pour terminer sa croisière.
Il s'agissait en fait de deux Anglais dont on a des nouvelles rassurantes depuis et du Philcris qui est rentrés mercredi, vers 23h, au port des Sables.
Nous avons rencontré le capitaine du bord qui nous a déclaré :
"Comme les autres, mon bateau a essuyé le coup de chien. Je me suis mis à la cape. Nous avons tenu le coup sans crainte, je dois l'avouer. Hier, c'est-à-dire mercredi ayant appris le drame de l'Aloa et connaissant personnellement le docteur Claoué, je me suis mis à la disposition des secours organisés. Toute la journée, nous avons patrouillé, mais en vain...
Entendant la radio des pêcherus en fin de soirée, j'ai décidé, puisque le temps le permettait, de gagner le port des Sables..."
"L'Esquirol II" toujours échoué
Quant au yacht l'Esquirol-II, échoué à la Pointe-du-Grouin-du-Cou à La Tranche-sur-Mer, il se trouve toujours en fâcheuse posture. Il est pratiquement impossible de l'enlever par la mer. Et la solution du transport par terre est davantage plausible. Cette opération devrait s'effectuer sous peu.
Nous avons dit hier qu'un canot pneumatique anglais avait été repêché au large des Barges, à deux milles des Sables, par un thonier de Concarneau. Ce canot appartenait au Corina réfugié aux Sables-d'Olonne.
Les deux frères avaient l'intention de rallier, en dépit d'une mer mauvaise, Ravenoville (Manche) qu'ils voulaient atteindre en contournant la pointe de Barfleur. Mais ils n'y parvinrent pas.
Devant le déchaînement de la tempête, leurs parents, inquiets, sans nouvelles, alertèrent l'Inscription Maritime.
Immédiatement, des recherches furent entreprises. Le canot de sauvetage Crestey-et-Sauve de Barfleur, l'hélicoptère de la Protection Civile, le dragueur Rigel ainsi que deux avons, fouillèrent la Manche en vain.
L'angoisse grandissant lorsque, hier matin, est arrivé à Cherbourg un message :"Nous sommes sains et saufs à Worthing. Nous avons tout perdu".
72 heures sans manger ni boire.
Ils avaient dérivé pendant 72 heures, sans manger ni boire avant d'atteindre la côte anglaise, à 160km, au nord-est de Barfleur. Ils furent alors aperçus par un bateau de pêche qui se porta à leur secours et réussit à leur passer un filin puis à les remorquer jusqu'au port. Ils précisèrent ensuite que le moteur auxiliaire de leur voilier - qu'ils avaient essayé de mettre en marche - était tombé en panne, les laissant dériver au gré de la tempête.
Les deux jeunes gens ont pris le ferry-boat de 17h à Newhaven pour Dieppe.
En 3 jours, la tempête a fait 16 victimes
Lundi 17 août
Mardi 18 août
Mercredi 19 août


Article du journal espagnol ABC du 21 août 1964

Madrid, vendredi 21 août 1964.
La régate tragique.
Une tempête qui a descendu brusquement le Golfe de Gascogne, pendant la régate Santander - La Trinité-sur-Mer, vue sur la photo en bas, a occasionné cinq morts, l'abîme de l'un des bâteaux, et la disparition de trois autres. Un participant qui est décédé, arraché par un raz de marée lors de la compétition tragique a été le Docteur Bernard Claoué, fils d'un célèbre chirurgien esthétique parisien, dont l'embarcation "Aloa", que l'on voit sur la gauche, au moment d'arriver, hier matin, dans le port de Pellice.





Emission radio sur France Culture, le 28/02/1961 :