Nécrologie de Firmin Lafarge
extrait du Courrier d'Auvergne, jeudi 19 septembre 1888
Firmin Lafarge était notaire au Vaulmier, frère de Mathilde Lafarge.
Le 3 septembre, un bien lamentable accident plongeait toute une famille dans la désolation et les larmes. M. Firmin Lafarge, notaire du Vaulmier, tombait, victime de son imprudence, la tête fracassée par la décharge à bout portant de son fusil de chasse. Il était onze heures du matin, le petit Raoul, blond chérubin de cinq à six ans, unique fils de M. Lafage, apercevant, au haut du pré contigu à la maison, un vol d'oiseaux, s'écria: "viens, papa, viens vite me tuer un oiseau, car je me plairais tant de jouer avec!!.." Et le père, qui adorait jusqu'à la faiblesse son Raoul chéri, courut avec lui pour tuer l'oiseau convoité... Hélas!... les oiseaux se sont enfuis et la chasse ne fut pas heureuse!... M. Lafarge s'apprête à revenir et monte sur une muraille, s'appuyant avec le canon de son fusil, en guise de canne... Le malheureux imprudent n'avait eu garde d'abaisser le chien du fusil qui, rencontrant une pierre en saillie le long de la muraille, détermine l'explosion et M. Lafarge reçoit toute la décharge au front. Le coup a été fouroyant et la mort a été instantanée... Le jeune enfant accourt en criant : Papa est mort ! Ppa est mort !... Pauvre Raoul ! ton oiseau s'est envolé et ton cher papa n'est plus !... M. Firmin Lafarge sera vivement regretté, et de ses collègues en notariat qui voyaient en lui un jurisconsulte distingué, et de sa nombreuse clientèle qui savait apprécier la haute intelligence, le profond jugement et surtout la généreuse bonté de celui qui fut le notaire expérimenté et justement apprécié de toute la vallée. Ses goûts simple et sa modestie le faisaient rechercher de tous. Ses causeries étaient enjouées et toujours attrayantes. La littérature, la poésie étaient la note dominante de ses conversations. Et si, comme l'a dit Tertullien, l'âme humaine est naturellement chrétienne, M. Lafarge avait su conserver au fond de son cœur élevé ce qu'y laissent toujours une mère fermement chrétienne et une solide éducation religieuse ; car M. Lafarge est un ancien élève du Petit-Séminaire de Pleaux - où il fut condisciple de M.Excourbaniès, avocat, lequel se disait fièrement son ami. Aussi bien, si le prêtre n'a pas pu donner à cette âme le pardon qui réconcilie et ouvre le ciel au pauvre moribond, nous avons la ferme confiance que grande et infinie miséricorde de Dieu, qu'un seul cri d'amour, qu'un seul regard pénitent peut toucher, aura fait pencher la balance du côté du glorieux paradis, la Patrie commune que nous ambitionnons tous ici-bas. Les obsèques de M. Lafarge ont eu lieu, mercredi, à 10 heures, en l'église du Vaulmier. Une foule exceptionnelle nombreuse accompagnait la dépouille mortelle au champs du repos. MM. Guillaume, conseiller général, Barthélemy Dupuy, officier d'académie, maire du Vaulmier, Bouny, percepteur à Anglards-de-Salers, Pascal Sevestre, notaire, tenaient les cordons du poële. Les deuillants étaient : MM. Arthur Lafarge, receveur de l'enregistrement à Salers, frère du défunt ; Gustave Lafarge, son neuveu ; Antoine, Firmin et Maurice Albessard, ses beau-père et beaux-frères ; M. l'abbé Vidal, aumônier de Saint-Angeau, son cousin germain, etc... Dans le cortège on distinguait : M. le Juge de paix de Salers, M. Bertrandy, la famille Périer de Méallet, MM. Henri et Arthur de la Tour, de St-Vincent, les conseillers municipaux de la commune, etc., etc. Au cimetière, M. Delfisque, appelé à la succession du notariat de M. Lafarge, a retracé, en quelques mots émus et bien sentis, la vie du regretté défunt. Il a dit ses brillantes études, ses succès, son grand amour pour les belles lettres qu'il cultivait encore, ses goûts modestes qui le faisiaent estimé de tous. " Au revoir enfin, a-t-il ajouté, au revoir dans une vie meilleure ! " Et maintenant, M. Firmin Lafarge repose jusqu'au jour de la résurrection, à côté de son père qui l'a précédé de moins d'une année dans la tombe. Quarante-six ans, sans doute, ce n'est point le terme d'une longue vie. Mais vous le savez bien, qu'importe à l'ange de la Mort et jeunesse et beauté, et plaisirs et richesses ? La faux impitoyable du Divin Moissonneur cueille indistinctement les épis dorés au soleil d'été, tout comme la tige naissante du grain qui germe dans le sillon. Nous tenons à offrir ici, à la pauvre mère éplorée, à la jeune veuve et à toute l'honorable famille Lafarge-Albessard, nos respectueuses et nos plus cordiales condoléances. Souvenons-nous bien que A qui perd tout, Dieu reste encore ! Et puis ...Nourissons l'éternelle espérance, Ce flambeau radieux Qui nous montre, ici-bas, loin de toute souffrance, L'image des absents et l'amour dans les Cieux. Euryale Extrait du Courrier d'Auvergne du jeudi 13 septembre 1888. |